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Loi Duplomb : c'est non !
Loi Duplomb : Plus de 2 millions de personnes disent NON
Le 8 juillet dernier, la loi Duplomb a été adoptée par les député·es, malgré une forte opposition des associations paysannes, des associations environnementales, du monde médical et des victimes de pesticides. Une pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale recueille à ce jour près de 2 millions de signatures, du jamais vu pour ce type d’action.
La loi Duplomb, un condensé d’injustice et de reculs environnementaux
Sous prétexte de “simplifier” le travail agricole, la loi Duplomb :
- facilite l’expansion des élevages intensifs, sources de nombreuses pollutions et de mal-être animal ;
- favorise l’implantation de mégabassines au profit de l’agriculture intensive, en facilitant les dérogations à la protection des espèces protégées ;
- réautorise l’acétamipride, 7 ans après que la France a interdit les néonicotinoïdes en raison de leur dangerosité pour les pollinisateurs et la santé humaine ;
- encourage indirectement l’usage des pesticides, alors même que leurs effets délétères sur la santé humaine et l’environnement sont largement documentés.
Cette proposition de loi ne répond pas aux véritables défis du monde agricole - faibles revenus, répartition inéquitable de la valeur, besoin d’accompagnement dans la transition agroécologique. Elle perpétue et accentue un système industriel et destructeur qui ne bénéficierait qu’à une poignée d’agriculteur·ices. En opposant agriculture et protection de l’environnement, la proposition de loi Duplomb détruit les capacités de production futures en même temps que notre santé.
L’acétamipride et ses dangers
L’acétamipride est un pesticide de la famille des néonicotinoïdes. Concrètement il s’agit d’un produit qui enrobe les semences pour les protéger des insectes. Problème, les insectes pollinisateurs, tels que les abeilles, sont également affectés.
En ce qui concerne la santé, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) établissait, dès 2017, les effets de cette substance, notamment sur le foie. De nombreuses études indiquent que l’acétamipride peut affecter le développement des fœtus et la fonction des neurones. Son métabolite (produit de transformation du pesticide) a été retrouvé dans le liquide du cerveau d’enfants.
Ces études scientifiques sont disponibles, mais pas prises en compte dans les évaluations des agences européenne et française, car ces dernières n’acceptent pas les protocoles d’étude utilisés. À l’inverse, les études fournies par les industriels sont prises en compte par les agences françaises et européennes.
Une adoption en catimini, aujourd’hui dénoncée par les Français·es
Pour éviter tout débat à l’Assemblée nationale, certain·es député·es notamment de droite et d’extrême droite ont choisi d’utiliser un subterfuge : voter une motion de rejet contre leur propre texte afin que celui-ci soit discuté en petit comité. Le passage en commission mixte paritaire (CMP), composée majoritairement d’élu·es favorable au texte, a permis de ne pas prendre en compte les nombreux amendements déposés par ses opposants. Le vote du 8 juillet 2025 a donc été effectué sans débat préalable.
En réaction, le Conseil constitutionnel a été saisi et doit se prononcer avant le 11 août.
En parallèle, une pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale bat tous les records. À l’heure où nous écrivons, elle réunit plus de 2 millions de signatures, en à peine plus de deux semaines. Cette mobilisation hors norme démontre une opposition forte de la population à la loi Duplomb.
Si le Conseil constitutionnel ne la censure pas, FNE demande au gouvernement et au parlement d’adopter dès la rentrée une nouvelle loi abrogeant la loi Duplomb.
Pesticides : des reculs majeurs
Les articles 1 et 2 de la proposition visent notamment à :
Supprimer l’obligation de séparation entre la vente et le conseil pour les produits phytopharmaceutiques, en permettant aux vendeurs de pesticides de conseiller les acheteurs
Supprimer l’obligation du Certificat d’économie de pesticides lorsque les produits ont été achetés à l’étranger
Réautoriser par dérogation la mise sur le marché de certaines substances néonicotinoïdes
Créer un conseil d’orientation pour la protection des cultures qui pourra prioriser le travail sur les autorisations de mise sur le marché de l’ANSES en fonction des attentes des filières (et non des priorités de santé publique)
Notre analyse
La France est déjà le 2ᵉ plus gros consommateur de pesticides et le second pays qui autorise le plus de pesticides en Europe. La proposition de loi, qui reprend des demandes portées par la FNSEA, favoriserait leur utilisation alors même qu’ils présentent des risques avérés pour la santé humaine, sont identifiés comme une cause majeure de l’effondrement de la biodiversité et du déclin des oiseaux, de la pollution des eaux et sols. Par exemple, 17 millions de français ont consommé au moins une fois de l’eau non conforme à la réglementation sur les pesticides en 2023.
Les néonicotinoïdes avaient été interdits en 2018 car ils sont particulièrement toxiques pour les abeilles et les autres insectes pollinisateurs, pourtant essentiels à l’agriculture. L’injonction à produire à tout prix se fait au détriment de notre santé, de la biodiversité, de la santé des sols, de la qualité de l’air et de l’eau, et de la capacité à produire des générations futures.
Par contraste, des alternatives agroécologiques comme l’agriculture biologique ont montré qu’il est possible de produire sans pesticides, en respectant la santé des sols, la qualité de l’air et de l’eau et en se basant sur les équilibres naturels. C’est cette transformation que nous appelons les élu·es à soutenir dans la loi. Notre santé et notre environnement en dépendent.
Pour aller plus loin : voir l’article de FNE 10 raisons de ne pas revenir sur l’interdiction des néonicotinoïdes
Eau : une gestion biaisée au détriment des usages essentiels
L’article 5 promeut une politique de stockage massif de l’eau pour l’agriculture irriguée, en présumant d’intérêt général majeur les ouvrages de prélèvement et stockage d’eau agricole dans les zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne. Ils seront aussi présumés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, ce qui faciliterait l’obtention de dérogations sur les atteintes à la biodiversité. Supprimé en Commission, il risque de réapparaître par amendement lors de l’examen en séance.
Notre analyse
La proposition de loi Duplomb se fera au détriment du bon fonctionnement des milieux naturels, dans un contexte où plus d’un tiers de la France souffre déjà de pénuries structurelles en eau.
De plus, la surface agricole irriguée ne représente que 6,8 % de la surface agricole utile (SAU), et les productions qui en sont issues ne servent que très peu à nourrir les Français et les Françaises : 34 % sont destinées à l’exportation, et parmi ce qui reste en France, seulement 26 % est destiné à l’alimentation humaine.
Aussi, ces dispositions sont un cadeau de plus fait à quelques agriculteurs industriels, et desservent les capacités de production futures, les agriculteurs et agricultrices déjà impliquées dans une gestion plus sobre et la juste répartition de la ressource en eau. Pour la résilience de notre agriculture, la logique doit être la sobriété et l’adaptation à la ressource disponible.
Pour aller plus loin : voir notre dossier Irrigation : le vrai-faux
Un texte juridiquement fragile et contraire aux engagements européens
La proposition de loi va à l’encontre des directives européennes sur l’eau et les pesticides. Elle expose la France à des sanctions coûteuses, tout en contrevenant à la Charte de l’environnement, qui reconnaît la protection de l’environnement comme un objectif constitutionnel.
Nos propositions pour une agriculture durable
France Nature Environnement appelle à un rejet de cette proposition de loi et propose des mesures pour une agriculture plus durable et juste, notamment :
une transition vers l’agroécologie, avec la réduction effective des pesticides et une gestion de l’eau partagée, priorisant les besoins en eau potable et environnementaux ;
une transition de l’élevage, dans une logique du moins et mieux ;
une reconnexion entre agriculture et alimentation sur les territoires.
Les alternatives existantes ont fait leur preuve : l’agroécologie paysanne et l’agriculture biologique redéfinissent notre rapport au vivant et répondent efficacement aux enjeux de climat et de biodiversité, tout en assurant la souveraineté alimentaire. Il est temps que l’Etat et les parlementaires fassent le choix d’accompagner la transition vers une agriculture respectueuse du vivant et assurant une juste rémunération aux agriculteurs et agricultrices, plutôt que de maintenir artificiellement un modèle industriel déconnecté des territoires et des ressources, pour satisfaire la FNSEA et l’industrie agro-alimentaire.
- Pour aller plus loin, voir le dossier de FNE : Nos 15 propositions pour une agriculture plus durable et plus juste